Quantcast
Channel: Le DailyRougi
Viewing all articles
Browse latest Browse all 10

« Médiabusiness, le nouvel eldorado »

$
0
0

de Danièle Granet et Catherine Lamour, Edition Fayard, 2006

J’ai lu ce livre lorsque je venais juste de rentrer en école de  journalisme, sa lecture a profondément remis en question ma façon de voir mon métier. Je ne suis pas d’accord avec tous les arguments avancés par les auteures mais ce livre n’en demeure pas moins une lecture fortement recommandable. Avis aux curieux, dans le cas contraire voilà une fiche de lecture réalisée par mes soins.

Les auteurs : Danièle Granet et Catherine Lamour ont fait toute leur carrière dans l’univers des médias. L’une dans la presse écrite, l’autre dans l’audiovisuel. Danièle Granet a été journaliste à L’Express, au Nouvel Economiste, au Figaro et à Stratégies, puis a dirigé le groupe de médias alternatif Novapress. Catherine Lamour a été productrice à Télé Hachette et a créé et dirigé le département des documentaires à Canal+.

Le Livre : MEDIABUSINESS est une enquête consacrée au monde des médias. Un monde qui se transforme radicalement sous l’impulsion des nouvelles technologies. De plus, réputés être « une industrie pas comme les autres », les médias sont en train de basculer dans l’univers de l’argent. Les financiers y règnent en maître. Ce livre nous fait comprendre les mécanismes et les enjeux du bouleversement sans précédent qui se joue actuellement.

Point de départ : Il y a un avant et après numérique. Le livre commence par un constat : rien ne va plus pour les médias. Le premier chapitre intitulé : « tempête dans les médias » se penche donc sur ce phénomène dans une longue première partie.

A/Tempête dans les médias

  • 2002 : Une année charnière

-2002=annus horribilis dans les médias : recul de la diffusion que l’embellie publicitaire de 10 ans a masqué. Crise qui affecte gravement la totalité des médias (presse, tv, radio, internet) très dépendants de la pub « dont ils tirent 40% de leur ressources pour la presse, l’essentiel pour les autres médias ».

« La crise économique soudaine met à jour de graves problèmes structurels, occultés jusqu’alors par l’immobilisme né de la prospérité et du protectionnisme ».

-A la fin du premier trimestre 2002 les premiers chiffres des résultats des entreprises médias pour l’année 2001 révèlent des pertes inattendues.

La presse est le premier secteur touché par cette crise.

Phénomène international : En Allemagne, en Angleterre comme en France. Ainsi en France les recettes publicitaires des quotidiens baissent en moyenne de 40% en deux ans.

Ex : Fin 2001 le résultat net de Libé est en déficit de plus de 6 millions

Le Figaro est à vendre

Fin 2002 l’endettement du Monde s’élève à 100 millions

Le Parisien-Aujourd’hui en France annonce une perte de 50 millions d’euros pour 2002-2003 !!!!

  • De nouvelles habitudes de consommation

-Les « immigrants numériques » = jeunes adultes de 18 à 34 ans qui lisent les quotidiens gratuits et utilisent Internet pour s’informer. Cette population a déserté le JT et l’info en continu pour en consommer à son heure.

Deux caractéristiques majeurs : liberté de choisir ce qui les intéresse et faculté d’apporter leurs propres informations.

-L’onde de choc des blogs

Un média gratuit et puissant (cf. : Le NON à Constitution Européenne)

« Devenus producteurs et consommateurs de contenus, les blogueurs commencent à investir de domaine réservé du journaliste : l’information. Lors des dernières élections américaines, ils ont reçu une accréditation « presse » pour suivre les conventions des deux partis au même titre que les journalistes du NYTimes ou du Washington Post ou des chaînes de tv comme ABC, CBS, etc.»

Ohmy News blog très important

Aspect négatif : baisse de la déontologie, attrait trop important pour le scoop.

Les blogs mettent en valeur une volonté de produire une autre information et le besoin de consommer différemment.

B/ Etude de cas : la presse française

  • Pour elles la presse française est arrogante et n’accepte pas le changement.

« A l’abri de son monopole territorial elle a complètement sous-estimé l’impact d’internet et des journaux d’information gratuits alors même que ceux-ci remettaient en cause toutes les pratiques de consommation de la presse. Repliée sur son passé glorieux, convaincue de la noblesse de sa fonction sociale, barricadée dans un bastion qu’elle croit imprenable, la PQN française décline ».

Retard de la France.

  • Le raz de marée des gratuits : les auteurs reviennent ainsi sur l’incroyable stratégie des gratuits qui a complètement chamboulé le paysage de la presse française.

« Tout est codifié : format, mise en page, couleurs, titres, etc. Metro a défini son lecteur type : une jeune femme urbaine active d’environ trente ans, plutôt célibataire qui vit en ville aime la ville et travaille pour la première fois ». Jeune femme qui s’appelle Sarah, le directeur de Metro affirmera ainsi : « On travaille pour Sarah ».

Face à ce raz de marée les journaux français n’ont fait que critiqué les gratuits sans jamais remettre en cause leur fonctionnement et leur méthode de ciblage du lectorat.

  • La « liberté assistée » de la presse française à bloquer une restructuration salvatrice :

Après la 2GM va se mettre en place tout un réseau d’aide financière pour remettre sur pied la presse française et garantir son indépendance économique. Ces aides n’ont jamais été remis en cause et « le magot est de taille : en 2005, le montant des aides directes représente 321,5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 450 millions d’aides indirectes, soit 17% du chiffre d’affaires total de la presse française d’information! »

Pour les auteurs ces aides n’ont fait que ralentir les réformes nécessaires à la bonne santé de notre presse.

  • « Non seulement les Français ont pris du retard pour moderniser leur presse quotidienne, mais celle-ci a peu à peu perdu le lien avec ses lecteurs ».

La comparaison entre la diffusion des journaux dans les pays européens industrialisés est éloquente : 23 millions d’exemplaires en Allemagne, 19 millions en G.B, 11,5 en France !

Ce manque de lien s’explique : par le monopole de la diffusion par les NMPP, et par la quasi-non existence du portage en France. « En 2003, 6% seulement des quotidiens nationaux et 39% des régionaux étaient diffusés par portage.»

Ce portage inexistant est volontaire car « dans le maquis des aides à la presse, les éditeurs utilisent celles qui leur paraissent le plus favorable. Or la distribution la moins chère, c’est la distribution postale.»

De plus le prix de la presse française est le plus élevé d’Europe : 1€40 pour le Monde, contre environ O€80 en Allemagne.

  • Un exemple qui marche : Ouest France.

-Lien important avec les lecteurs : « il est un véritable guide pour la population active ».

-Ciblage du lectorat : Pour Antoine de Tarlé directeur général adjoint : « Ouest-France a été le premier quotidien régional à se doter d’un service d’études et de marketing qui a travaillé en étroite liaison avec la direction commerciale et la régie. » C’est-à-dire que des études fréquentes sont faites pour saisir l’évolution des comportements des consommateurs, et ces données montrant les changements sociologiques, économiques, voire politiques sont exploités par la rédaction.

-De plus le gros de la distribution (soit 45%) se fait par portage. Et seulement 35% de la diffusion est achetée chez les marchands de journaux au prix de 0€70, soit le prix le moins élevé, PQR et PQN confondu.

-Bonne stratégie Internet : 5% seulement du contenu quotidien du journal se trouve sur son site, rubrique forum sur le site « Vous avez la parole » où les internautes peuvent échanger. Et surtout OF a 4 sites thématiques qui couvrent le domaine des petites annonces qui permet une aisance financière.

Ouest-France est donc un véritable « groupe de communication ».

C/ Les médias : un nouvel eldorado

Définition Médiabusiness : transformation d’un secteur culturel en un secteur économique. C’est ce que les auteurs appellent le »Nouvel Eldorado ». Cette transformation, sous l’effet d’internet et des nouvelles technologies, intéresse les financiers, qui y voient la possibilité de dégager de la rentabilité.

  • De plus en plus logique de vente des groupes de presse : ventes de livres, encyclopédie, etc avec le journal. Développement de coffrets films comme au Monde et au Figaro. On parle de « commerce secondaire »

« Un magazine hebdomadaire comme le Nouvel Obs encarte une fois par mois dans sa livraison un catalogue proposant une sélection d’objet du mois » ou encore « Marianne qui a crée un club d’abonnés qui fonctionne comme un comité d’entreprise et qui offre des voyages, des concerts, etc. »

  • La pub : pétrole des médias

-Aujourd’hui on ne réfléchit plus en termes de supports médias mais en terme de cibles. Les publicitaires font des études précises pour savoir quelle cible lit ou regarde tel support et lance sa campagne de pub en conséquence.

Ex. de la Caisse d’Epargne

-Il y a donc interdépendance entre médias et publicitaires.

« Pour l’heure plus de la moitié des investissements publicitaires dans les médias traditionnels est inefficace »

Crise dans la presse écrite= crise dans la pub

Il y a donc une « financiarisation » des médias

  • La prise de pouvoir des fonds d’investissements :

- « Lorsqu’il y a des difficultés dans un secteur ça ouvre aussi des opportunités » dixit Edouard de Rothschild, premier actionnaire de Libé sur Europe 1.

=Des investisseurs à court terme qui reprennent des entreprises de presse qui vont mal, les restructure puis les revendent avec une plus-value.

-Ex du Monde : va fonder un groupe pour sauver le quotidien et préserver son indépendance. Stratégie chapoté par Alain Minc pour attirer des investisseurs qui voudront bien rester passifs. Des actionnaires externes ont des parts dans la société mais n’ont pas la majorité. Crédit Mutuel, François Pinault, Sagem… seront donc autant d’investisseurs. Puis la société va tenter d’engranger des bénéfices, en rachetant des médias de presse écrite : le Midi Libre (qu’il a vendu depuis) par exemple. Selon les auteurs le groupe est bien constitué mais a été mal constitué : non- investissement dans les gratuits, il n’a pas réussi à décliner la marque…

-« Indispensables, les investisseurs sont devenus incontournables. »

Conclusion : Notre presse a été construite après la guerre pour garantir son indépendance éditoriale et financière. Cette construction idéale ne tient plus. Les aides publiques ne peuvent pas résoudre à elles seules les problèmes créés par la concurrence d’internet et par la mondialisation des médias (les gratuits d’informations appartenant à des groupes nordiques).

La modification des règles du jeu qui régissent la presse est un dossier sensible et stratégique. Il exige une remise à plat de la part de toutes les parties en présence : éditeurs, syndicats, politiques.

De plus les auteurs pensent qu’il faut revoir la législation anti-concentration pour permettre à des groupes de communication de se créer car nous n’avons que des groupes mono-média, à l’inverse de ce qui se pratique dans tous les grands pays démocratiques. Il faut permettre à des investisseurs d’être présents à la fois dans la radio, la télévision, internet et la presse, ce qui est indispensable au regard du fonctionnement actuel de la publicité. La ressource incontournable des médias. Ce sont les marques qui subsisteront en tant que garantes d’une information vérifiée voire engagée. Ce regroupement des forces doit permettre d’assurer l’indépendance et le pluralisme des médias contrairement aux idées reçues. Pour elles, c’est donc l’indépendance financière qui garantit l’indépendance éditoriale.



Viewing all articles
Browse latest Browse all 10

Latest Images





Latest Images